mardi 8 avril 2008

Interview (1)

Olivier Besancenot :

« On a aujourd'hui une nouvelle gauche anticapitaliste »


Olivier Besancenot, jeune leader post-68. Photo extraite du film qui sera projeté le 8 mai prochain à l'ULB © Chris Den Hond

Voici offert au blog Mai 68-Bruxelles, une interview exceptionnelle d'Olivier Besancenot, le jeune porte-parole de la LCR-France. Ses propos ont été recueillis par Chris Den Hond, journaliste-reporter belge et animateur de la Formation Léon Lesoil, co-organisatrice du débat du 8 mai prochain à l'ULB. Cette interview est extraite du film qui sera projeté en avant-première lors de ce débat du 8 mai. Nous mettrons également en ligne dans les jours qui viennent l'interview d'Alain Krivine, orateur de marque du débat.


  • Mai 68 donna naissance à des groupes révolutionnaires trotskistes, maoïstes et autres. Aujourd'hui pas mal de ces groupes ont disparu, d'autres se sont transformés. En 2008, ce n'est plus l'identité "trotskiste" ou "maoïste" qui est déterminante, on se dit "marxiste" ou "anticapitaliste". Qu'est-ce qu'il reste encore de l'esprit 1968 aujourd'hui ?

  • Olivier Besancenot : L'extrême gauche en 1968 était le produit d'une période. 1968 était une période charnière entre un vieux mouvement ouvrier, qui s'est manifesté avec le drapeau rouge, les barricades, la Commune de Paris, la classe ouvrière, l'Internationale et de l'autre côté la naissance de ce qu'on appellerait aujourd'hui un nouveau mouvement social avec des revendications qui vont exploser après 1968, mais qui était déjà en germe depuis pas mal de temps. En plus des revendications traditionnelles de la classe ouvrière, il y a des revendications des immigrés, des femmes, des homosexuels, des mal logés... un nouveau mouvement altermondialiste. La grande différence avec aujourd'hui c'est qu'en 1968, dans la cour de la Sorbonne, il y avait les portraits de Mao, Lénine, Marx, Staline, Trotski. Regarde les manifestations de jeunes aujourd'hui, il n'y a plus aucun portrait. Il n'y a plus aucune référence, ni à la révolution russe, ni aux grands leaders. Le seul qui persiste encore sur les T-shirts, c'est Che Guevara, c'est tout. Donc ce n'est plus du tout la même forme de politisation. Du coup on a aujourd'hui une nouvelle gauche anticapitaliste qui ne prend pas les formes des groupes d'extrême gauche très ciblés programmatiquement, théoriquement, trotskiste, maoïste... C'est une gauche qui veut en découdre avec le capitalisme. C'est une génération qui veut se battre, qui rejette les trahisons ou les capitulations de la gauche traditionnelle et qui veut construire une gauche radicalement anticapitaliste.

  • L'idée de la révolte traverse le temps ?
  • Olivier Besancenot : Ce que ma génération comme les générations qui viennent aujourd'hui retiennent encore aujourd'hui, c'est l'idée qu'une grève générale, des millions de personnes qui s'y mettent, quelque chose de massif et de très radical, ça peut être vachement plus utile que des gouvernements de gauche au pouvoir. Je pense que ça c'est quelque chose qui marque les esprits, qui était présent dans le début des années 90 dans les mouvements lycéens, qui était présent dans les cortèges des manifestations du CPE, c'est l'idée qu'il faudra un nouveau Mai 68 pour changer les choses, pour sauvegarder nos acquis et pour en imposer d'autres. Donc c'est l'idée d'un mouvement généralisé, d'une grève générale et l'idée de la révolte. Ca c'est quelque chose qui traverse le temps.

    On n'est plus dans la période où quand tu secoues les cocotiers, il y a des militants qui tombent et puis "il faut choisir ton camp camarade". Je crois que ce n'est pas plus mal finalement. Quand tu regardes bien, ça permet d'avoir la culture du doute, de développer peut- être un peu plus encore le sens critique et de comprendre qu'il n'y a pas de modèle clé en mains. Je pense qu'à l'image de tout ce qui s'est passé pendant plus d'un siècle, ce n'est pas plus mal.





Alain Krivine lors de son interview qui sera également mis prochainement en ligne sur ce blog. Le 8 mai prochain, à l'ULB, ce porte-parole historique de la LCR sera présent à notre débat. Photo extraite du film qui y sera projeté © Chris Den Hond


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