mardi 20 janvier 2009

L’anti-Mai 68 - Réponses à Vladimir Caller

INTRO - Réponse de Jean-Marie Chauvier à la carte blanche L’anti-mai 68 de la gauche autoritaireMai 68, sous les pavés la farce ? de Vladimir Caller, publiée le 28 mai 2008 dans Le Soir (et sur le blog Mai 68-Bruxelles). La réponse de Jean-Marie Chauvier est parue dans le courrier des lecteurs du Soir. Elle est suivie d'un second de ses textes, diffusé en exclusivité pour Mai 68-Bruxelles. Dans les années 1960, Jean-Marie Chauvier fut journaliste au Drapeau rouge. Aujourd'hui, il y publie à nouveau des articles dans ce mensuel édité par le Parti communiste Wallonie-Bruxelles et dont le rédacteur en chef est Vladimir Caller.

L’anti-Mai 68
Par Jean-Marie Chauvier



Dans Le Soir du 28 mai, Vladimir Caller se fait le porte-voix d’une « gauche » peu entendue mais influente, qui rejette en bloc Mai 68. L’auteur prend plaisir à opposer les discours ultra-gauchistes, en 1968, de quelques leaders – Daniel Cohn-Bendit, Alain Geismar, Serge July - à ce que les mêmes font et pensent aujourd’hui. Mais peut-on disqualifier un mouvement en relevant les reniements de quelques unes de ses vedettes outrancièrement médiatisées ? Peut-être, si l’on croit, avec l’auteur, que leur évolution exprime, au fond, l’essence même d’une révolte de fils-à-papa qui aurait servi à mettre de l’huile dans les rouages du « système », à déchaîner l’individualisme et l’américanisation tout en faisant accepter l’ordre (r)établi. « Nous avons fait gagner le capitalisme dans la gauche » a dit un animateur du journal Libération, incarnation de ces épousailles entre héritiers de mai et néolibéralisme.

Les « anarcho-capitalistes » ! V.Caller use d’une forte image pour nous montrer le résultat : au moment où se déclenche la guerre en Irak, en 2003, il y a peu de protestataires, mais 350.000 participants à la…gay pride de Paris.
Autrement dit, nous « libérons les mœurs » tout en bombardant les peuples et en ravageant la planète. Peut-être, et même sûrement, mais en quoi cela discréditerait-il le formidable mouvement social de 1968 ? Dans les années 60-70, des dizaines de millions de gens aux contestations éparses se sont mis en quête d’alternatives. Ils ont changé nos façons de voir le monde et de l’appréhender, autrement qu’en peureux petits soldats des grands appareils. Ils ne sont pas moins nombreux, eux et leurs enfants, à s’investir dans les mouvements sociaux, la création et la réflexion qui feraient mentir les pièges d’antan et les impasses d’aujourd’hui. Sans renier ni mythifier les héritages révolutionnaires.

Jean-Marie Chauvier




Vladimir Caller, pourquoi jeter le bébé avec l’eau sale du bain ?


Par Jean-Marie Chauvier.
Texte non publié dans Le Soir, diffusion exclusive pour
Mai 68-Bruxelles avec l'autorisation de son auteur.


Cette réaction est sommaire. Je suis convaincu, avec Caller, que la «pensée Mai 68», au delà de ce que ses auteurs ont pu croire à l’époque, a surtout frayé la voie à un capitalisme modernisé, néolibéral, débarrassé des conservatismes, des rigidités et de l’odeur de naphtaline qui l’entravaient dans cette voie.

Parmi ces «conservatismes», outre les vieilles hiérarchies et les méthodes de gestion de l’époque patriarcale, il y avait… les syndicats, les partis communistes, le mouvement ouvrier et ses «corporatismes», les législations trop «rigides» du travail. On les a contestés, en 1968, au nom de l’ «interdit d’interdire» et du «jouïr sans entraves», voire même d’une «révolution anticapitaliste imminente» à laquelle croit encore Alain Krivine…. sans d’ailleurs réfléchir à ce qui lui serait arrivé si le PCF et la CGT avaient «pris le pouvoir».
Affaiblis pas la contestation gauchiste, les acquis du mouvement ouvrier organisé (et des accords de Grenelle en mai 68) ont été radicalement remis en question par les Margaret Tatcher, Pompidou, Tony Blair…ils sont, en ce sens, les «héritiers de mai qui s’ignorent», tout comme Sarkozy. Ce n’est pas seulement un «détournement de la révolution de mai», c’est une partie de la démarche contestataire (libérale-libertaire) qui a été mise à profit. Le culte de l’Individu-roi, la mise en cause des organisations et de l’organisation en tant que telle au nom de l’autogestion sans règles formelles, la détestation de l’Etat, l’émancipation des minorités, l’exaltation des marginalités, la «révolution sexuelle», à quoi ont-ils réellement servi ?

A faire plaisir, certes, à un certain nombre de personnes «vachement libérées». A libérer, certes, la créativité individuelle dans les milieux culturellement favorisés où elle a pu s’épanouir (pas dans les usines !), à installer l’autogestion dans quelques îlots magnifiques (comme «Aimer à l’ULB») ou…chez LIP pour quelques temps (bien révolus !), à réussir des expériences communautaires autogérées en milieu rural (mais sans renoncer à l’action politique) à l’exemple de la coopérative «Longo Maï», à développer les droits des minorités opprimées (ethniques, sexuelles, enfants etc…), à dégager les femmes (des milieux favorisés) de l’étreinte du patriarcat et du puritanisme…. Mais à quoi ces «libérations» ont elles surtout contribué, lorsqu’on prend en compte l’évolution de la société globale ? A produire «l’Individu» mythique, de fait l’individu de série qui se croit «libéré» par l’éventail sans précédent de consommations accessibles, à briser la classe ouvrière à laquelle s’est substitué une masse de travailleurs non solidaires, flexibles et précarisés, «libérés» de toute une culture démocratique de classe. A promouvoir des formes de travail «autogéré» dans le cadre de l’entreprise moderne, soit une autogestion des risques, dans l’insécurité et avec moins de pouvoir que jamais des travailleurs sur les décisions les concernant. A éloigner l’Etat des affaires. A «libérer» la bourgeoisie de quelques obligations d’«assistanat» devenues insupportables au regard des taux de profit et de la concurrence.
A désagréger ou à déstabiliser par les luttes minoritaires (ethniques) des états qui dérangent (Yougoslavie, Irak, Russie, Chine, Iran….Bolivie) l’ordre mondial tel que l’instaurent les Etats-Unis et leurs alliés euro-atlantistes. (A bas les frontières ! A bas les états ! Oui, mais pas pour tout le monde… l’idéologie du «sansfrontiérisme» et de la «société ouverte» (version Soros) est avant tout l’instrument de pénétration des marchés, de néocolonisation économique et culturelle par l’hyperpuissance unique).

«L’esprit de Mai» dégradé en libéral-libertarisme sert à légitimer la…marginalisation de millions d’exclus du marché de l’emploi et de la vie «normale», fût-ce au nom de slogans de «refus du travail salarié». Ce qui constitue l’échappatoire salutaire d’une minorité (libérée du travail) signifie pour la majorité des gens «aliénés au système» un déclassement social, une chute assurée dans la misère et les bas-fonds parfaitement compatibles avec la «société duale» (autre ancien dada gauchiste) mise en œuvre par le néolibéralisme.
La «libération sexuelle» a surtout servi à faire exploser le «marché du sexe», en particulier l’esclavage des femmes dont une formidable avancée vient d’être accomplie en Europe grâce à la chute du Mur (de Berlin), à l’ouverture des frontières Est-Ouest, à la libéralisation du continent. Les vedettes du mai 68 parisien ont joué un rôle indéniable dans ce changement «culturel» tant vanté. Il suffit de voir le parcours du journal Libération. Un journal qui a remarquablement organisé dans ses colonnes l’alliance du gauchisme marginal (minorités, sexe, prisons etc…) avec la propagation des thèses du néolibéralisme. Relisez son cahier spécial de 1984 «Vive la crise !», couplé avec une émission télé, l’un et l’autre destinés à contrer le «pessimisme» ambiant devant la perte des acquis sociaux, les risques du chômage et de la précarité. « Libé » était la bible quotidienne du gaucho de base, ce fut l’un des instruments, en France, du retour au 19e siècle social.

Là où Vladimir Caller se trompe, c’est lorsqu’il attribue au SEUL mai 1968 une évolution en profondeur du capitalisme et de nos sociétés, dont la «pensée de Mai» n’a été qu’un aliment et certes une opportunité. Là où Caller s’égare, c’est lorsqu’il réduit à cette seule fonction «réactionnaire» la vague de contestations des années 60-70, dont le mai parisien n’est d’ailleurs qu’un épisode. C’est lorsqu’il ne retient de mai 68 que l’une de ses potentialités, celle que bien entendu le système en place avait les moyens de valoriser. C’est lorsque, ce faisant, Caller oublie, comme les détracteurs ou les post-gauchistes renégats de mai, le mouvement social et les aspirations de rupture avec le capitalisme dont il était également porteur. Au fond, Caller s’aligne sur les Cohn Bendit, Geismar et autres July ou Kouchner en reprenant leur interprétation «culturelle» et libérale de mai, aisément contestable.

Là où Vladimir Caller se révèle lui même… «réactionnaire», c’est lorsqu’il tente de disqualifier l’essentiel de l’héritage révolutionnaire (non libéral) des mouvements des années soixante, leur message toujours d’actualité : l’insoumission aux appareils parlant au nom des gens, aux avant-gardes autoproclamées, la volonté de penser par soi-même et de s’organiser à la base, de fonctionner en groupe autrement que dans les vieux partis de droite ou de gauche, de tisser des liens inédits entre les personnes, le contraire des individus atomisés par le libéralisme…ou le socialisme d’état. Le tournant des années soixante est aussi le commencement d’une réflexion et d’expériences autonomes en quête d’alternatives au système en place.

Car s’il est vrai qu’il nous mène droit dans le mur, il est également vrai que les anciennes idées, les vieilles méthodes autoritaires et paternalistes du socialisme et du communisme formaient une autre impasse. Dont il est légitime, et urgent de chercher les issues de secours.
De ce point de vue, «mai 68», en dépit de ses autres potentialités, est aussi la redécouverte d’un idéal que le mouvement ouvrier avait progressivement oublié : celui de l’AUTO-émancipation sociale.

Jean-Marie Chauvier

Bruxelles, 12 juin 2008

Mai 68 : une farce ?

INTRO - Vladimir Caller, le rédacteur en chef du Drapeau rouge, mensuel du Parti communiste de Bruxelles-Wallonie, n'aime pas les souvenirs de Mai 68. Ni Mai 68 pour finir. Pour lui, il s'agit d'une "farce" (sic). Les "thèses" de Caller rappellent l'attitude conservatrice adoptée par les communistes orthodoxes en 1968. Ils furent des anti-Mai 68 et favoriseront ainsi sa répression par la droite pure et dure. Voici le texte de la carte blanche de Vladimir Caller publiée dans le quotidien Le Soir. Suivie de la réponse méthodique de Jean-Marie Chauvier, journaliste dans les années 1960 du Drapeau rouge...

L’anti-mai 68 de la gauche autoritaire

Mai 68, sous les pavés la farce ?

Carte blanche de Vladimir Caller publiée dans le quotidien Le Soir du 28 mai 2008

Manifestation du mouvement néofasciste Occident contre Mai 68. La droite pure et dure ne fut pas la seule à s'opposer à la révolte étudiante "gauchiste"...


«Pourquoi cette complaisance de la droite à se pencher sur un ''cauchemar'' ?» se demandait déjà en 1978 Régis Debray, interloqué de voir les grand patrons des médias rivaliser de programmations spéciales pour mieux fêter la première décennie de la grande «révolte». Trente ans après, la disposition à se complaire du « cauchemar » reste intacte et même grandissante. Pourtant, tout patron normalement constitué devrait avoir toutes les raisons d’abhorrer ce « cauchemar » ! Comment ne pas trembler, par exemple, lorsque Daniel Cohn-Bendit exigeait, tout simplement, « d’abolir le salariat » ? ou lorsqu’il réclamait l’instauration généralisée des comités ouvriers qui « conduiraient à une prise de pouvoir par la classe ouvrière » (1) ? N’est-ce pas, pour un patron, le cauchemar des cauchemars que l’annonce, en 1968 par le duo Alain Geismar et Serge July, de l’avènement du socialisme (de surcroît maoïste !) en France dans un délai de deux ans et leur conviction selon laquelle ces évènements ont « remis la révolution et la lutte des classes au centre de toute stratégie » et que «la destruction du pouvoir politique de la bourgeoisie (…) doit s’articuler sur la ‘tradition de Mai’ d’une manière prolétarienne ». C’est le début, disaient ils, « d’une lutte de classe prolongée; les premiers jours de la guerre populaire contre les expropriateurs, les premiers jours de la guerre civile » (2). Bizarre, trop bizarre en effet, cette complaisance qui conduit le même Régis Debray à conclure que la droite aime ces festivités « parce qu’elle doit précisément au culte de Mai 68 sa jeunesse et sa force » (3). Eternelle jeunesse puisque les paroles de Debray restent, 30 ans après, d’une grande actualité. En effet, la droite la plus lucide a compris depuis longtemps ce qu’une large partie de la gauche ne veut ou fait semblant de ne pas voir : à savoir que le discours officiel de Mai 68 reste la grande imposture politique du XXe siècle.

Notons pourtant que tout ceci intéresse beaucoup moins cette classe ouvrière supposée être l’héritière des révoltés parisiens et seule porteuse, alors, d’un vrai projet alternatif (4). Et cette belle indifférence est justifiée parce que le Mai 68 parisien ne fut pas, absolument pas, la soi-disant floraison d’un mouvement révolutionnaire ni les prémices d’une insurrection anticapitaliste mais, bien au contraire, le prélude du monde tel qu’il est aujourd’hui, l’augure de l’élaboration de cette contre-culture qui devait nous conduire à l’américanisation des mentalités, à l’exaltation et à la prééminence d’un individualisme forcené, conditions toutes indispensables à la civilisation de l’égoïsme et de la « concurrence sans entraves » de la construction européenne pour laquelle se battent tant, aujourd’hui, Cohn-Bendit, Geismar et July, les révoltés d’hier.

L’Europe d’alors, sur fond de la guerre du Vietnam, avait besoin d’urgents changements pour mieux accueillir l’expansionnisme américain. Il ne fallait pas alors être trotskiste ou maoïste pour le dire, le jeune Michel Rocard l’avait compris lorsqu’il disait en 1973 : « une des plus vastes mystifications de l’histoire aura sans doute été l’identification de l’Europe avec la construction de la ‘Communauté économique européenne’» dont le vrai rôle n’est autre que « celui de faciliter l’adaptation des structures économiques européennes aux nécessités du capitalisme international moderne » (5). Ainsi, en un certain sens, le Mai 68 parisien fut à la culture politique européenne ce que le Plan Marshall fut à sa culture économique ; il accompagna aussi utilement la construction européenne préparée, ne l’oublions pas, par Robert Schuman en étroite et complice collaboration avec l’ambassadeur des Etats Unis, Dean Acheson (6).

Il fallait pour cela installer la religion de la modernité (« voulez-vous de la modernité ? dites ‘révolution’ », commentait sarcastiquement Régis Debray), afin de bien accueillir la nouvelle économie industrielle des Etats-Unis dont le modus operandi se mariait mal avec les vieilles structures de la France et avec le concept même de nation. Pour cela, l’abandon de toute idée d’engagement solidaire et collectif était à bannir au profit du retour au privé. Le sociologue Alain Touraine, professeur à Nanterre et très proche des ‘insurgés’, résume bien la nature du mouvement : « Mai 68 est l’invasion de la politique par la culture et la vie privée…même s’il parle politique ou social, c’est un mouvement qui n’est ni fondamentalement politique ni social (…) pour l’essentiel, il se définit par rapport à la vie privée » (7).

Depuis lors, le spectre de Mai parcourt l’Europe. Lorsque les Etats-Unis se lancèrent dans l’aventure irakienne, il n’y avait même pas 8.000 protestataires à Paris ; quelques semaines après, cette même ville vit défiler 450.000 personnes à sa Gay Pride. Lorsque le socialiste Zapatero décide d’accorder le mariage et le droit d’adoption aux couples homosexuels, il sait que l’euphorie de ce geste « libertaire » facilitera l’abolition, sans trop de remous, de l’impôt sur les grandes fortunes. Récemment, une réunion impliquant d’importantes organisations communistes et trotskistes a eu lieu à Berlin. Pour organiser la solidarité avec le peuple bolivien ou palestinien ou contrer la résurgence néo-nazie en Ukraine ? Non, il s’agissait d’organiser un front de défense des gays, lesbiennes et travestis. Il y a aussi la quasi-disparition des gauches radicales en Espagne, Italie, France. L’esprit de Mai 68 serait-il coupable de toutes les défaites ? Non, sûrement pas, mais il y a contribué grandement.



Affiche pour les élections de juin 1968 du Parti communiste français contre Mai 68.


Et il y a eu, surtout, grave tromperie sur la marchandise. Quelques mois après la ‘révolte’, Daniel Cohn-Bendit avoue qu’il s’y amusait. « La violence de Mai 68 n’était qu’un jeu : on jouait aux cow-boys et aux Indiens (…) sans direction ni volonté centrale » (8). Encore plus grotesque, Alain Krivine porte-parole du trotskisme évoquait, sans rire, très récemment « la’ trahison’ du PCF qui ne voulait pas prendre le pouvoir» (9); donc le pouvoir en France était à prendre ou à laisser. Plus doctement Daniel Bensaid dit regretter les hésitations d’un Parti, le PCF, coupable à ses yeux d’avoir perdu toute vocation révolutionnaire et rater le coup de force ces jours là, où De Gaulle quittait la scène pour quelques heures. Allez comprendre comment ceux mêmes qui traitaient le PCF des pires staliniens pouvaient regretter qu’ils ne prennent le pouvoir ! Pour «goulagiser» la douce France ? Et si par malheur (ou bonheur, ça dépend !) ils le prenaient, quid du voisinage ? de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume Uni ? Allaient nos fervents partisans de la «révolution permanente» devoir se recycler en partisans du «socialisme dans un seul pays» ? Au secours, Léon !

Certes, le maoïste Geismar a la sagesse, bien qu’un peu tardive, de confesser que « lorsque, répondant à l’appel de De Gaulle, 800 000 anti-soixante-huitards ont rempli les rues de Paris le 30 mai, j’ai compris qu’il avait une grande partie de l’opinion qui n’était pas avec nous » (10). Mais il y a eu aussi l’ignoble : Maurice Grimaud, le Préfet de police de Paris d’alors déclarait lors de l’émission de Marie Drucker sur France 3 que, lors des batailles de pavés et des grandes manifs du « soulèvement de Mai », il se téléphonait tous les soirs avec Geismar et ses associés, afin de s’assurer que les événements étaient «bien contrôlés». Tous ces courageux étudiants et ouvriers tabassés par les forces de l’ordre, ainsi que les quelques militants morts lors des occupations d’usines, ignoraient sûrement ces tristes concertations entre les «CRS/SS » et les exaltés d’alors.

En pleine campagne électorale, Nicolas Sarkozy a durement vilipendé Mai 68 dans un geste adressé au segment « vieille France » de son électorat. Ces attaques ont suffi pour susciter une campagne accréditant, par opposition, des vertus révolutionnaires à Mai 68 (« puisque c’est Sarkozy qui l’attaque.. »). Alain Badiou a eu l’audace d’aller jusqu’à le comparer à la phase « robespierrienne » de la Révolution française, à la Commune de Paris et au Front Populaire.

Toute cette agitation parce que Sarkozy s’acharne à «tourner la page» de Mai 68. Or c'est n'est finalement pas le président français, mais Daniel Cohn-Bendit lui-même qui la tourne à sa place lorsque, en quittant l'Elysée ce 16 avril, il se montre confiant que Nicolas Sarkozy lui téléphonera bientôt pour lui dire : «Je me suis trompé. Je ne vais pas liquider 68. Au contraire. Ça me permet d'être président» (11).

Vladimir Caller


Affiche d'un meeting néofasciste anti-gauchistes à l'occasion du premier anniversaire de Mai 68. Prévu le 6 mai 1969, il sera pour finir annulé.

Notes

  1. Daniel Cohn-Bendit « Le gauchisme remède à la maladie sénile du communisme », Seuil, Paris 1969

  2. Alain Gesmar, Serge July, Erlyn Morane « Vers la guerre civile », éditions Premières, Paris 1969

  3. Régis Debray « Modeste contribution aux cérémonies », éditions Maspero, Paris 1978.

  4. Le mouvement ouvrier de 68 et «la plus grande grève de l’histoire de France » mériterait une analyse séparée; ce n’est pas le but de ce texte limité à l’aspect idéologique et politique de l’intellectualité universitaire d’alors. Rappelons toutefois les analyses de Cornelius Castoriadis sur le nouveau rôle de la classe ouvrière dans le cadre des rapports centre/périphérie d’une économie en voie de mondialisation, d’André Gorz à propos de son supposé embourgeoisement et ceux, plus pragmatiques, d’Edouard Balladur principal négociateur des accords de Grenelle sur la naissance, selon lui, d’une vraie «culture du compromis» du syndicalisme français venant du 68 et comment le pouvoir s’arrangea pour que la forte inflation des années 1969-70 et la dévaluation qui a suivi anéantisse les augmentations salariales de 68…

  5. Michel Rocard « Le marché commun contre l’Europe », Seuil, Paris, 1973, France.

  6. Benjamin Landais et autres « L’idéologie européenne », éditions Aden, Bruxelles, 2008

  7. « Mai, l’héritage », Liberation du 29 mars 2008

  8. « Le Grand Bazar » Seuil 1977

  9. www.lagauche.be

  10. Alain Geismar questionné par Fabrice Lundi, radio BFM ce 1er mai 2008

  11. Libération, 17 avril 2008

RIPOSTE !

Lire sur Mai 68-Bruxelles les réponses méthodiques de Jean-Marie Chauvier, journaliste dans les années 1960 du Drapeau rouge... au texte de Vladimir Caller... CLIQUEZ ICI


samedi 8 novembre 2008

Marx, le grand retour ?


Pourquoi je suis toujours marxiste aujourd’hui et plus que jama

Marx n'est pas mort...
Il est même
de retour !

Dans son numéro de novembre 2008, Le Journal du Mardi vous propose 6 pages exclusives... sur le retour des marxistes !

En vente dès le samedi 8 novembre 2008 (et jusqu'au 2 décembre) dans toutes les bonnes librairies du pays...

Crise du capitalisme
Exclusif !

Il y a encore des marxistes...

Après la chute des principales banques, le libéralisme se lézarde. Incarnant jusqu'il y a peu l'unique modèle, le capitalisme et ses systèmes de gestion, le libéralisme et la social-démocratie, ne font plus de bonnes recettes. Sur les ruines de leur échec, le marxisme est remis au gout du jour par certains. Le Journal du Mardi est parti à la rencontre de marxistes de notre pays. Et leur a posé cette question :

« Pourquoi aujourd'hui, plus que jamais, êtes-vous encore marxiste ? »

Dossier et photos de Manuel Abramowicz

Avec les témoignages de :

  • François Houtart prêtre, sociologue, directeur-fondateur du centre Tricontinental, sis à l'Université catholique de Louvain-la-Neuve, et éminence grise du Forum social mondial de Porto Alegre

  • Pierre Eyben membre du Bureau politique du Parti communiste (33 ans)

  • Anne Morelli professeure d'histoire à l'ULB, auteure

  • Guy Desolre gouverneur adjoint honoraire de la Province du Brabant flamand

  • Gérard de Selys journaliste et auteur

  • Eric Toussaint responsable du Comité pour l'annulation de la dette du tiers-monde (CADTM)

  • Nadine Rosa-Rosso enseignante, militante et auteure

  • Paul Demunter professeur émérite de l'Université des sciences et technologies de Lille et responsable de la revue de réflexion Contradiction

  • Michel Godard militant de la CGSP, d'Ecolo et co-éditeur des Cahiers marxistes

  • Olivier Bonfond jeune économiste et militant marxiste au sein de la LCR

  • André Mommen responsable de la Vlaams Marxistisch Tijdschrift

  • Erik Demeester rédacteur de Vonk, revue flamande de la gauche marxiste

  • Pierre militant du groupe trotskyste La Lutte

  • David Baele association socio-culturel flamande 't Uilekot (26 ans).

  • Henri Goldman ancien de la Ligue révolutionnaire des travailleurs, aujourd'hui membre d'Ecolo et codirecteur de la revue de débats Politique

  • Olivier Besancenot porte-parole de la LCR et du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) en France.


Et une interview de la politologue de l'ULB-FNRS Sophie Heine (28 ans) sur le retour possible du marxisme.


Cliquez sur l'image pour l'agrandir

Également dans ce numéro :

  • Barak Obama : vers un nouveau monde ? Par Laurent Arnauts

  • Le triomphe Obama. Par Maurice Magis

  • Historic Obama. Par Mohsin Mouedden

  • Vers un « New deal » ? Par Robert Falony

  • La social-démocratie contre le peuple. Par Claude Demelenne

  • La gauche introuvable. Par Léon Michaux

  • Le naufrage du « libre marché ». Par Robert Falony

  • L'avenir à gauche appartient-il encore aux PS ? Par Jean Peltier

  • L'apprenti sorcier berlusconien, sauveur de la Wallonie. Par Michel Jadot

  • Qui sanctionne les racistes flamands ? Par Claude Demelenne

  • Pour la planète ou pour les riches ? Par Daniel Tanuro

  • Un homme au service de la révolution (portrait d'Henri Curiel). Par Manuel Abramowicz

  • Laanan-Philippot : trahison entre amis. Par Bernard Hennebert

  • Spirou : Zorglub, fils de la veuve ? Par Alain De Kuyssche

  • La visite du musée gratuit ! Par Bernard Hennebert

  • Cinéma, les « juifs du Maroc », un thème qui divise et rapproche à la fois. Par Malika Es-Saïdi

  • Stop au lynchage de Wikipedia. Par Julien Oeuillet

  • Les livres les plus poilants. Par Noël Godin

  • Thema « les jeunes » et autres scènes de tir. Par Nurten Aka


Le Journal du Mardi
n° 350
du 8 novembre
au 2 décembre 2008

En vente dans toutes
les bonnes librairies du pays
2 euros






lundi 20 octobre 2008

Conférence-débat le 22 octobre 2008


Pour agrandir : cliquez sur l'image

INVITATION

Mai 68 l’année où les citoyens ont fait sauter les verrous. Même si les événements de Mai n’ont pas eu l’effet escompté, nous pouvons les percevoir comme le moment où la population asecoué la chape de plomb qui recouvrait la société. [Marc Jacquemin, sociologue à l’ULG]

Commémorer l’anniversaire de mai 68 aujourd’hui
vous semble-t-il opportun ?

Dans ce cadre, l'asbl Siréas vous invite à participer

le mercredi 22 octobre 2008 à18h

à une conférence-débat animée par

  • Monsieur Josy Dubié, sénateur,étudiant et acteur de la contestation en mai 68 à l’ULB
  • Monsieur Manuel Abramowicz, enfant de 68tards et initiateur du blog « Mai 68 à Bruxelles » (www.mai68-bruxelles.blogspot.com)

Quarante ans après Mai 68 : les menaces sur les libertés d’expression

A la fin de la conférence, un cocktail vous sera offert
Personne de contact : Naïma Nassir - Tél. : 02/ 537.94.52

ENTREE LIBRE – PAS DE RESERVATION

Avec le soutien de la Communauté française

Siréas asbl – secteur Education Permanente
Rue de la Victoire, 34 – 1060 Bruxelles
02/537.94.52 – Fax : 02/537.36.48


vendredi 9 mai 2008

Succès de notre débat !



Notre débat « Mai 68 : stop et encore », organisé à l'Université libre de Bruxelles, ce 8 mai en soirée, est désormais terminé...

Ce fut un succès à plusieurs égard :

  • de foule : près de 450 personnes présentes
  • d'interventions diverses et variées, de la part de nos cinq invités (Alain Krivine, Clémentine Autain, Philippe Moureaux, Josy Dubié et Raoul Hedebouw) et du public
  • d'animation de débat qui avait été confiée à Laurent Arnauts (le directeur-avocat du Journal du Mardi) et Colette Braeckman (journaliste au quotidien Le Soir, en remplacement de Béatrice Delvaux, sa rédactrice en cheffe, retenue par BHV)
  • d'organisation grâce à tous nos partenaires actifs : le PAC, Bruxelles laïque et la Formation Léon Lesoil
  • de représentativité générationnelle, socioprofessionnelle et culturelle : seniors (jeunes acteurs en 68 pour beaucoup), adultes, jeunes (au moins 45 % du public), étudiants, professeurs, travailleurs, sans emplois, Belges, immigrés... formaient le public
  • de sécurité grâce à nos amis venus en renfort pour le SO
  • succès médiatique aussi : couverture dans Le Soir (carte blanche le week-end passé, publication de notre visuel de promotion trois fois de suite, débat dans les pages Forum ce vendredi 9 mai...), Le Journal du Mardi (un dossier Mai 68 et des encarts de nos visuels), à Bel-RTL, dans La gauche (de la LCR), Solidaire (du PTB), le journal-web du PS, dans Points critiques (de l'UPJB)
L'ambiance y était très 68, selon les « anciens » (tel était notre objectif d'ailleurs aussi) :

  • un hall en animation permanente, avec les stands et l'expo Mai 68 du PAC
  • stands et présence militante de membres et d'organisations trotskistes, marxistes-léninistes, socialistes, écologiques, associatives, syndicalistes... : LCR, PTB, MAS, LCT-QI, Bloc ML, jeunes militants de gauche du PS, d'Ecolo, Bruxelles laïque, délégués syndicaux ouvriers et employés de la FGTB, de la CSC...
  • prise de parole dans la salle «façon Assemblée libre».

Les absents : les hommes et les femmes de partis politiques «traditionnels» belges retenus pour certains par l'affaire BHV, mais pas tous ! Cependant, outre nos deux orateurs politiques belgo-belges, les sénateurs Ecolo Josy Dubié et PS Philippe Moureaux, signalons la présence de la ministre socialiste bruxelloise
Françoise Dupuis et de l'ex-secrétaire général du PS, Jean-Pol Baras, auteur d'un petit ouvrage des plus touchant : Pour Mai – Lettre à ma fille sur le mois de son prénom (éditions du Cerisier).


Autre absent, l'extrême droite, dont un des groupuscules avait eu le projet d'y venir pour «mettre le bordel» (sic)... mais face à notre mobilisation, ces activistes aux muscles épais de l'Ordre «nouveau», ancien et moral décidèrent - courageusement - de rebrousser chemin...

Notre « opération Mai 68 : stop et encore » se solde donc par un bilan des plus positifs.

Merci à vous tous !

Manuel Abramowicz
« Camarade organisateur »



Voici notre reportage-photos sur le débat
« Mai 68 : stop et encore »


© Photos Manuel Abramowicz. Il est « interdit de reproduire » (Ah bon !) ces photos sans l'autorisation de leur auteur. Demande par e-mail à : manuel.abramowicz@resistances.be).


Une salle pleine à craquer...

Des animateurs de débat mieux que Delarue et Dumas...

Des orateurs le poing levé pour mettre les points sur les « i ».

Clémentine Autain, la seule femme à la tribune...

... avec deux dragueurs...

Philippe Moureaux, un des seuls vrais tribuns PS héritiers de ceux de l'époque du POB.

A l'écran, en permanence, l'animation subversive des PACistes !

Projection du film de « CDH » : Mai 68, une histoire sans fin

La salle intervient... avec des prises de parole façon assemblée libre... Ici, le rédac' en chef du Drapeau rouge, Vladimir Caller.

Jean Bricmont, professeur de l'UCL à l'ULB, pour un soir....

Guy Van Sinoy, militant marxiste-révolutionnaire, exemplaire et trans-génération.

Thierry Delforge, autre tribun de la gauche révolutionnaire et aujourd'hui aussi des indiens Mapuch.

Sophie, militante d'Attac-ULB... la génération altermondialiste en action.

Un porte-parole du Mouvement pour une alternative socialiste (MAS) et militant pour les sans-papiers.

Un ami récemment venu d'ailleurs qui nous donna une belle leçon sur l'état de la gauche belge face aux sans-papiers...

Encore un autre jeune, militant d'Attac-ULB.

Les problèmes de l'Afrique sont causés par notre exploitation, nous dira cet intervenant.


Pas d'insurrection dans la salle, mais un débat fortement dynamique...

Prise d'assaut de la tribune par un commando de femmes solidaires de Clémentine Autain, minoritaire chez les intervenants... «Mais qui lave vos chaussettes ?» scanderont-elle, comme jadis. Rien n'a changé ? Une chose est sûre, Josy Dubié n'en porte pas avec ses santiags...

Les orateurs à l'écoute des intervenants.

Le SO au repos, les fachos ne sont pas passés...

La ministre Françoise Dupuis (à l'extrême gauche !), et des organisateurs heureux de la réussite de ce débat...

La police ne passera pas !

... le mot de la fin...


© Photos Manuel Abramowicz. Il est « interdit de reproduire » (Ah bon !) ces photos sans l'autorisation de leur auteur. Demande par e-mail à : manuel.abramowicz@resistances.be)

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Mai 68 : Interview(3) Grand Soir


© Photo Manuel Abramowicz - CLIQUEZ sur la photo pour l'agrandir.


Notre débat « Mai 68 : stop et encore », organisé à l'Université libre de Bruxelles, ce 8 mai en soirée (qui fut un succès : voir ici), avait déjà débuté l'après-midi à la rédaction du quotidien LE SOIR (l'un de nos deux partenaires médias avec Le Journal du Mardi).

LE SOIR, nous avait en effet demandé de réunir trois de nos invités, Alain Krivine, Clémentine Autain et Philippe Moureaux, ainsi que Marc Abramowicz.


Animé par les responsables de la rubrique
« Forum » du Soir, William Burton et Dominique Bern, ce débat-interview peut être lu dans l'édition de ce vendredi 8 mai (et prochainement sur ce site). Voici déjà notre reportage-photos de ce rendez-vous qui va populariser de manière intelligente les acquis et surtout le bilan de Mai 68 pour la société d'aujourd'hui...

Marc Abramowicz, leader étudiant à l'ULB en Mai 68.
CLIQUEZ sur les photos pour les agrandir.

Philippe Moureaux, jeune assistant à l'ULB, aussi en 68.

En 2008, le « camarade Philippe », président bruxellois du Parti socialiste, dit rester encore aujourd'hui influencé par le marxisme.

Alain Krivine, leader en 68 de la Jeunesse... et en 2008 de la Ligue... communiste révolutionnaire. La LCR aujourd'hui se prépare à fonder et se fondre dans un Nouveau Parti Anti-capitaliste (le NPA). Devant, lui Colette Braeckman, journaliste du Soir qui co-animera le débat à l'ULB.

Clémentine Autain, féministe marxiste, jeune leader et intellectuelle altermondialiste.


© Photos Manuel Abramowicz. Il est « interdit de reproduire » (Ah bon !) ces photos sans l'autorisation de leur auteur. Demande par e-mail à : manuel.abramowicz@resistances.be)





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